Comment parler du salaire avec son chef en Allemagne ?
Les carnets de commande de l'entreprise dans laquelle vous travaillez en Allemagne se remplissent et les bénéfices augmentent ? Il serait peut-être temps d'avoir une conversation avec votre supérieur pour obtenir une augmentation de salaire. Il n'est pas forcément évident de négocier en allemand en tant que Français. Nous vous présentons les règles de fonctionnement du marché du travail, les techniques de négociation fructueuses ainsi que les erreurs à éviter en entretien.
2. Comment justifier une demande d'augmentation de salaire en Allemagne
Le marché du travail délimite les marges de manœuvre qui s'offrent aux candidats. Ceux qui appartiennent à des espèces très convoitées, par exemple les conseillers, les analystes financiers et comptables, les fiscalistes, les ingénieurs, les techniciens de l'aéronautique et de l'aérospatiale, les spécialistes de la pharmacie, les commerciaux, peuvent se montrer plus audacieux et demander des salaires supérieurs à la moyenne que leurs collègues des secteurs saturés, comme le marketing.
Les spécialistes ont un avantage en Allemagne
L'expérience professionnelle et la spécialisation sont toutefois évaluées de manière tout à fait différente. Un fournisseur hautement spécialisé paiera mieux un spécialiste qu'une entreprise du même secteur qui sert le marché de masse. Il est bon de savoir intégrer ceci dans ses négociations et d'argumenter en conséquence.
Car même si les entreprises ont en principe une grille salariale prédéfinie et classent les nouveaux venus en conséquence, les recruteurs et les employeurs possèdent une marge de négociation. Plus le poste proposé est spécialisé, plus le vivier de candidats est restreint et plus le candidat est adapté, meilleure est la position de départ.
C'est au candidat de sonder prudemment la marge de progression. Si son CV est interchangeable et donc peu intéressant pour l'entreprise, il peut se trouver hors de la course avec une exigence juste au-dessus du cadre fixé. En revanche, les candidats spécialisés ont de bonnes cartes en main pour faire passer des exigences plus élevées, à condition de présenter leur valeur de manière convaincante.
Rares sont les entreprises qui recrutent au-dessus d'un certain seuil
Des différences notables dans la structure salarial ne peuvent être justifiées que par des raisons vraiment valables, sinon il y aura de l'agitation parmi les collègues lorsque cela se saura.
Ne serait-ce que dans son propre intérêt, on n'aime pas acheter des candidats, que ce soit vers le haut ou vers le bas. Car celui qui est embauché pour une bouchée de pain commence déjà son travail frustré et le quitte plus vite.
La plupart des entreprises en tiennent compte et renoncent à ces contrats pour des salaires abusifs. Ce n'est que dans certains secteurs, comme la publicité ou l'architecture, que le dumping salarial reste la règle plutôt que l'exception.
Les salariés ayant un job mal payé ne doivent pas pour autant se faire des cheveux blancs à ce sujet, car les bas salaires ne sont pas définitifs. Si vous avez simplement mal négocié dans une entreprise qui verse des salaires conformes au marché, vous pouvez profiter des entretiens annuels pour renégocier successivement celui-ci. La différence se compense plus vite qu'on ne le pense.
Le poids des conventions collectives sur les salaires
Une information à retenir : deux tiers des salariés d'Allemagne de l'Ouest et la moitié de ceux à l'Est sont payés selon une convention collective, tendance à la baisse. En 2021, les salaires conventionnels en Allemagne ont augmenté en moyenne de 1,6 % dans toutes les banques.
La situation s'est nettement améliorée depuis cette année : les conventions collectives de la banque et de la métallurgie prévoient une augmentation de 3 %, les autres conventions de 2,5 à 3 %.
En ce qui concerne les salaires non placés sous convention collective (außertarifliche Verträge), on observe en général entre 3 et 3,2 % d'augmentation.
L'écart salarial entre les hommes et les femmes
Les femmes négocient moins lors de leur entrée dans la vie active. Selon les statistiques, les femmes en Allemagne connaissent un gap salarial de 10 à 15 % par rapport à leurs collègues masculins et ne comblent souvent pas cette différence pendant leur vie active.
Les emplois les mieux rémunérés
Les niveaux de salaires en Allemagne sont particulièrement intéressants pour tout ce qui touche à l'ingénierie, en particulier les postes dans la recherche et le développement, la construction mécanique, l'aéronautique et l'aérospatiale. Les contrôleurs de gestion, les spécialistes en informatique ainsi que les conseillers financiers sont également bien payés actuellement.
Le dumping salarial
Cela arrive, mais ce n'est pas un phénomène de masse, plutôt présent dans certains secteurs en Allemagne. Les architectes et les agences de publicité sont les plus mal payés.
Les rémunérations fixes et variables
La division du salaire en une partie fixe et une partie payée en fonction des performances est devenue courante en Allemagne. Les salariés soumis à une convention collective bénéficient d'environ 10 % de composantes variables, les cadres de 20 à 40 %. Les autres hiérarchies se situent de manière échelonnée entre les deux.
L'influence des diplômes
Les diplômes universitaires et de master permettent souvent d'obtenir environ 10% de plus que les diplômes de bachelor sur la fiche de salaire. Mais la différence se nivelle à vue d'œil.
Certaines entreprises allemandes ne font plus de distinction ou paient même légèrement mieux les diplômés de Bachelor. Les doctorants et les titulaires de MBA obtiennent lors d'une première embauche en général 1000 à 1500 euros de plus par mois. Là où les diplômes n'apportent pas de valeur ajoutée à l'entreprise, ils ne sont pas rémunérés en plus.
Les résultats de fin d'études : de bonnes notes augmentent les chances d'être invité à un entretien, mais ne se répercutent pas forcément sur le salaire.
Être non-diplômés : l'avantage salarial que représentaient les études pendant des décennies s'amenuise outre-Rhin. Un quart des diplômés universitaires ne gagne déjà pas plus qu'un employé sans diplôme. Grâce à des voies de formation en alternance, les non-universitaires montent en grade, les diplômés sont plus souvent embauchés à un niveau inférieur.
La place des spécialistes et cadres
Les cadres gagnent jusqu'à présent 10 à 15 % de plus qu'un spécialiste compétent sans encadrement. Mais l'écart se réduit. En particulier, les grandes entreprises, ont tendance à rémunérer leurs spécialistes comme des managers, via une grille de rémunération distincte.
Le poids de l'expérience professionnelle
Actuellement, les entreprises récompensent presque exclusivement l'expérience professionnelle. La relève doit être formée à grands frais, elle génère donc d'abord des coûts supplémentaires. L'effort de formation est souvent sous-estimé par les jeunes diplômés.
Beaucoup de salariés en Allemagne veulent profiter de l'essor de l'économie pour obtenir un salaire plus élevé.
C'est un calcul simple. Imaginez-vous les deux côtés d'une balance : d'un côté se trouve votre salaire et de l'autre le travail que vous fournissez. En tant qu'employé, il faut avoir amélioré son travail depuis la dernière négociation salariale pour prétendre à une augmentation.
Comment peut-on justifier une évolution positive de ses tâches ?
Par exemple, par une nouvelle prise de responsabilité dans l'entreprise ou par la réalisation de formations. Quand vous avez en main de tels arguments, vous pouvez entrer en négociation. Le mieux est de créer au préalable un résumé de toutes vos réalisations. Notez en détail ce que vous avez accompli et emportez la liste lors de l'entretien avec votre employeur. Vous avez ainsi tous les arguments sous les yeux que vous pouvez étayer. Votre responsable pourra présenter celles-ci à son propre supérieur hiérarchique si cela est nécessaire.
Attention, beaucoup de bonnes paroles ne suffisent pas. Avant la négociation est aussi après la négociation. Immédiatement après un entretien, vous devrez à nouveau améliorer vos performances et les consigner par écrit. Il n'est plus possible de gagner de telles négociations salariales par la seule rhétorique à notre époque. Vous avez besoin d'une base solide de prestations réalisées.
Quelle est la bonne tactique à adopter lors de la négociation ?
Il faut savoir procéder comme dans la publicité. Annoncez au préalable à votre manager que vous souhaitez discuter avec lui de vos perspectives dans l'entreprise.
Ensuite, lors de l'entretien, commencez par énumérer vos réalisations, démontrez votre valeur ajoutée pour l'entreprise et comment vous avez fait progresser votre supérieur dans ses objectifs.
Vous pourrez alors aborder la question du salaire. Cependant, utilisez les mots "salaire" ou "demande de salaire" avec parcimonie. Pour certains managers, c'est comme si vous agitiez un chiffon rouge.
Pensez-vous à vous concerter au préalable avec d'autres collègues ?
Ce n'est pas forcément une bonne idée. Les entreprises n’aiment pas que les employés discutent de leurs revenus. Dans beaucoup de contrats il est aussi stipulé que le salaire doit être traité de manière confidentielle. Lorsque votre chef entend de telles conversations, il risque de sentir souvent des agissements révolutionnaires parmi les employés et de fermer les écoutilles...
Quels sont les arguments à éviter ?
Demander une augmentation de salaire en évoquant le revenu d'un collègue est une erreur fatale. Cela ne met pas en avant votre propre performance et indique, du point de vue de l'employeur, une indiscrétion. Vous risquez de monter votre responsable contre vous alors que vous voulez justement le convaincre.
Faire référence à l'augmentation du prix de l'essence et au coût de la maison pourrait laisser penser votre employeur que vous n'arrivez pas à gérer votre budget et que c'est à l'entreprise de s'en charger.
Vous ne devriez pas non plus faire une demande soudaine à votre supérieur, par exemple dans les escaliers ou lorsque vous êtes assis autour d'une bière. Pour une telle discussion, un rendez-vous s'impose.
Il est également très important de ne pas mettre son supérieur sous pression. Si vous dites "Soit j'obtiens une augmentation, soit je pars", il préféra perdre un bon employé plutôt que sa fierté.
Combien de temps doit s'écouler depuis la dernière augmentation ?
On peut considérer qu'il existe un délai raisonnable de 18 à 24 mois. Il est donc préférable de renoncer dans un premier temps à ses prétentions si on n'a pas obtenu entièrement ce que l'on souhaitait et de renégocier ultérieurement.
À quel niveau d'augmentation prétendre ?
Cela dépend bien sûr de vos performances. 5 % sont possibles si l'entreprise ne va pas très bien, mais que votre performance personnelle a été très bonne. Tout salarié qui a plus de responsabilités, par exemple parce qu'il est devenu manager ou s'est spécialisé, peut aussi exiger 15 %. En règle générale, les personnes performantes peuvent obtenir entre 7 et 12 % de plus.
Une demande de 25 % est-elle trop audacieuse ?
Oui, à moins que votre valeur personnelle sur le marché le permette. Dans une telle négociation, vous devez toujours être aussi fort que les candidats qui pourraient vous remplacer. Si une autre entreprise vous payait 25 % de plus, il vous faudrait espérer avoir du succès avec cette demande si votre employeur veut vous conserver.
Existe-t-il d'autres éléments qui peuvent être obtenus en négociant ?
Si votre employeur ne veut pas payer plus, il existe quand même d'autres possibilités.
Les indemnités en transports en commun ou le remboursement des frais de déplacement avec votre véhicule sont également des éléments négociables. Elles sont appréciées par l'employeur car elles permettent à l'entreprise d'économiser des charges sociales plus élevées.
Les formations peuvent également être prises en charge par votre employeur. Elles permettent d'améliorer votre valeur personnelle sur le marché.
Obtenir plus de jours de congés peut vous permettre d'augmenter le salaire relatif. C'est un modèle apprécié par de nombreuses PME.
Quels sont les contre-arguments auxquels s'attendre, et comment les contrer ?
L'argument standard que l'on entend le plus est que l'entreprise va mal économiquement. Avant la crise, il faut s'armer et économiser, pendant la crise on entend "on va si mal", et après la crise, il faut d'abord que l'entreprise se rétablisse.
Le salarié doit donc montrer que sa performance est importante, surtout dans une situation compliquée, et démontrer comment il aide ou a aidé l'entreprise pendant la crise. Parce qu'il a réduit ses coûts ou gagné de nouveaux clients.
Comment procéder quand la demande a été refusée ?
Il existe une question magique : "Que devrait-il se passer d'ici notre prochain entretien pour que j'obtienne l'augmentation de salaire ?"
Lors de votre entretien, soit l'employeur fixe les conditions nécessaires (à vous de les noter), soit il dit, "peu importe ce qu'il se passe il n'y aura pas d'augmentation". Vous êtes alors dans une impasse financière dont vous devez sortir, mais vous avez obtenu une réponse claire.
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