Made in Germany : la perception de ce label à l'échelle mondiale
Le label Made in Germany est associé partout dans le monde à une image de qualité, de haut de gamme et de fiabilité depuis des décennies. Mais qu'est-ce qui caractérise les produits allemands ? Et quelle est l'importance du produit d'origine dans une économie mondialisée ? Cinq spécialistes de l'économie, américain, arabe, chinois, japonais et néerlandais nous donnent leurs avis concernant ce label qui était à l'origine simplement informel.
2. Ce que l'on pense aux États-Unis
3. Ce label vu dans le monde arabe
4. La perception en Chine
5. Le point de vue au Japon
6. L'image de cette appellation aux Pays-Bas
Le label Made in Germany trouve son origine à la fin du XIXe siècle et résulte d'une initiative britannique. Voici le contexte historique de sa création.
Contexte économique et industriel
Au XIXe siècle, l'Allemagne était en pleine révolution industrielle, avec une montée rapide en puissance de ses industries.
Cependant, certains produits allemands, en particulier ceux des secteurs de l'acier, des textiles et de l'horlogerie, étaient perçus au Royaume-Uni comme étant de qualité inférieure ou comme des copies des produits britanniques.
Création du label en 1887
En 1887, le gouvernement britannique adopte le Merchandise Marks Act, une loi obligeant les produits importés à porter un marquage indiquant leur pays d'origine. L'objectif de cette loi était double :
Protéger les consommateurs britanniques des contrefaçons ou des produits de mauvaise qualité.
Encourager les achats de produits britanniques, en différenciant les produits nationaux des importations étrangères, notamment ceux en provenance d'Allemagne, perçus comme des concurrents.
Les produits fabriqués en Allemagne devaient donc porter la mention Made in Germany, initialement vue comme une mesure de dissuasion. Le but était de dissuader les consommateurs britanniques d'acheter des produits allemands en soulignant leur origine étrangère et en insinuant une qualité inférieure.
Renversement de perception
Ironiquement, cette initiative a eu l'effet inverse sur le long terme. Au fil des décennies, l'industrie allemande a amélioré la qualité de ses produits, notamment dans les domaines de la mécanique, de la chimie et des biens de consommation.
Ainsi, au début du XXe siècle, les produits portant cette appellation ont progressivement acquis une réputation de robustesse, d'innovation et de qualité.
Au lieu d'être un signe de mise en garde, Made in Germany est devenu, à partir de la fin du XIXe siècle et surtout au XXe siècle, un label de qualité reconnu à travers le monde.
Pour connaîatre la perception des Américains vis-à-vis de ce label, Fred B. Irwin nous en dit plus. Cet Américain était jusqu'en 2013 président de la Chambre du commerce des USA en Allemagne, la plus ancienne association commerciale bilatérale en Allemagne promeut les relations économiques entre les deux pays. Cette chambre compte environ 830 membres.
Qu'évoque aujourd'hui l'expression Made in Germany aux États-Unis ?
Aux États-Unis, Made in Germany est synonyme d'excellente qualité. Même si son prix est légèrement supérieur, les Américains associent à ce label de qualité un standard élevé et des produits innovants qui tiennent leur promesse.
Dans l'ensemble, on peut dire que les produits sont de plus en plus interchangeables. Dans les produits les moins spécialisés, comme les textiles ou les produits agricoles, l'importance du pays d'origine tend à diminuer.
Dans notre monde globalisé, un grand nombre de marques sont internationales. Souvent, le consommateur ne sait pas d'où vient un produit. Le pays d'origine ou l'entreprise fabriquant le produit ne jouent donc dans bien des cas aucun rôle.
La plupart du temps, le consommateur achète un produit parce que les valeurs qu'il dégage l'interpelle. On achète une voiture d'une certaine marque parce qu'elle promet un certain feeling. Mais, pour les machines ou les biens d'investissement notamment, les produits allemands sont un gage d'excellente qualité et jouissent traditionnellement d'une belle estime dans le monde.
Restons dans le domaine automobile : sur le plan technique, les voitures se ressemblent de plus en plus. Les produits de marque doivent donc se profiler et se positionner en fonction d'autres aspects que celui de la technique pure.
Les exportations allemandes dépendent-elles du taux de change entre l'Euro et le Dollar ?
Les États-Unis sont le plus grand marché acheteur de produits allemands en dehors de l'Union européenne, et le pays accueillant le plus d'investissements allemands.
L'Allemagne exporte un nombre important de produits high-tech comme des voitures de luxe ou des machines extrêmement spécialisées. Ces produits profitent également d'un euro au cours faible, mais les produits fabriqués par nombre de pays et pour lesquels le prix est déterminant en profitent plus encore.
À court terme, un euro faible apporte peut-être une certaine détente parce que les produits Made in Germany sont alors moins chers sur le marché mondial. Mais, avec un euro bon marché, les achats sur l'important marché américain se renchérissent beaucoup.
Nous souhaitons connaître l'avis d'Abdulaziz Al-Mikhlafi, originaire du Yémen, qui est un diplomate de rang d'ambassadeur. Il est depuis 2000 secrétaire général de la Chambre du commerce et de l'industrie germano-arabe Ghorfa. Cette association tisse des réseaux dans 22 pays arabes et aide les entreprises allemandes à prendre pied sur le marché arabe. En 2016, il a été décoré de la Croix fédérale du mérite par le Président de la République fédérale d'Allemagne.
Quelles qualités associe-t-on à cette appellation ?
Dans le monde arabe, Made in Germany est synonyme de fiabilité et de grande qualité. On est prêt à payer un prix plus élevé pour des produits allemands parce qu'on sait qu'on obtient un produit de grande valeur. On dit qu'acheter bon marché, c'est acheter deux fois. Dans les pays arabes, on sait que ce n'est pas le cas pour les produits allemands.
Mais il faut bien dire que les produits originaires d'autres pays sont également très présents dans les pays arabes. Les produits japonais ou coréens, mais aussi les produits provenant de Chine ou d'autres pays émergents parviennent également à s'imposer. Il en découle qu'il faut être présent sur ces marchés et créer des coopérations, tant dans le domaine commercial que pour les investissements.
Des entreprises comme Mercedes-Benz ou Siemens symbolisent l'Allemagne et la qualité. Et quand un client veut acheter de la qualité, le nom et l'origine du produit sont des critères importants pour la prise de décision. Mais cela ne vaut pas seulement pour les grands noms.
L'Allemagne est aussi réputée pour ses PME extrêmement innovantes qui fournissent des produits soigneusement mis au point et soigneusement fabriqués. Par exemple dans la construction automobile, la mécanique, les technologies de l'environnement, la technique médicale, les biotechnologies ou encore dans les énergies alternatives.
Comment juger actuellement les relations économiques entre l'Allemagne et le monde arabe ?
On peut qualifier les relations économiques germano-arabes de bonnes, sans aucune réserve. Rien ne le prouve mieux que les chiffres des exportations allemandes vers les pays arabes...
D'autre part, les pays arabes s'engagent de plus en plus dans les entreprises allemandes avec des partenariats stratégiques, ce qui est un beau signe de confiance.
On peut aussi qualifier de très bonnes les relations en matière de politique économique. En 2010, pratiquement aucune autre région au monde n'avait reçu de visites aussi éminentes en provenance d'Allemagne. En 2017, Angela Merkel était en tournée dans le Golfe pour débattre du climat, de l'énergie et de la place des femmes.
Réciproquement, nombre d'éminentes personnalités du monde politique arabe se sont rendues en Allemagne.
Pour connaître le point de vue des Chinois, nous avons demandé à Yang Wang, un ancien boursier de la Chancellerie et vice-directeur de l'Investment Promotion Department de la zone high-tech de Xiangtan étant chargé du ministère de l'Economie de la Hesse dans la province de Hunan.
Qu'évoque aujourd'hui l'expression Made in Germany en Chine ?
Made in Germany a une excellente réputation en Chine. Cette appellation incarne une grande qualité, une technique des plus modernes et la fiabilité, mais à un prix élevé.
Les Chinois ont a plus confiance dans les produits et services allemands que dans bien d'autres.
La Chine est le plus important partenaire commercial asiatique de l'Allemagne et l'Allemagne le plus important partenaire commercial de la Chine en Europe.
Quels sont les nouveaux courants et les dernières tendances ?
Naguère, les entreprises allemandes venaient en Chine pour investir. Cela pourrait changer à l'avenir. Un nombre croissant d'entreprises chinoises cherchent à investir en Allemagne. Les entreprises chinoises ne s'intéressent plus aux seuls produits, elles s'intéressent maintenant aussi aux technologies allemandes.
Le Japonais Ikuo Hitara est un reporter en chef du grand journal économique japonais Nikkei. Voici son avis.
Quelles qualités associe-t-on à ce label ?
Les produits allemands sont fortement marqués par une philosophie. Les fabricants sont convaincus de leur idée et veulent la réaliser. Cela peut parfois conduire à imposer quelque chose au client.
Simultanément, cette "philosophie du produit" peut être extrêmement attrayante pour le client. Pour nombre de Japonais, il est également important que les produits soient résistants et que le prix corresponde à leur valeur, même s'il faut dépenser plus pour les acheter.
Un grand nombre de Japonais associent le label Made in Germany à la bonne image des grandes marques automobiles allemandes.
Le pays d'origine joue-t-il encore un rôle éminent dans notre monde globalisé ?
Le contrôle de la qualité est plus difficile à l'étranger que dans son propre pays. Toyota en avait fait la douloureuse expérience... L'entreprise japonaise a été obligée de lancer une grande campagne de rappel de ses produits aux États-Unis.
Nombreux sont ceux qui pensent au Japon que la délocalisation de la production à l'étranger a un impact négatif sur le contrôle de la qualité.
Les produits allemands sont marqués par une forte philosophie d'entreprise, par une technique originale, et par une certaine confiance en soi. Dans les produits japonais, on accorde plus d'importance à leur utilité pratique et à l'intérêt qu'ils offrent. Au Japon, on tient plus compte du client.
Les deux pays commercialisent de bons produits mais ils se distinguent dans l'idée qu'ils se font de l'entreprise.
Pour terminer notre "tour du monde", nous souhaitons en savoir plus sur la perception du voisin néerlandais, l'"éternel rival des Allemands". En l'occurrence, nous avons interviewé Willem de Graaf, le directeur exécutif de voestalpine Plastics Solutions, qui entretient des relations étroites avec l'Allemagne. Ce groupe néerlandais compte parmi les leaders de la sous-traitance automobile et a un centre de développement et de production en Allemagne.
Qu'évoque aujourd'hui l'expression Made in Germany aux Pays-Bas ?
La fiabilité, la solidité, la qualité, la rigueur et des produits pensés jusque dans leurs moindres détails...
Aux yeux de nombreux Néerlandais, ce label reste la meilleure des recommandations pour un site où l'on fabrique des produits de haute qualité.
Les Pays-Bas resteront-ils un des plus grands partenaires commerciaux de l'Allemagne ?
La proximité géographique, les bons moyens de transport routiers, ferroviaires et fluviaux, et des années de bonnes relations y contribuent. Pour l'Allemagne, les Pays-Bas sont un partenaire important pour le pétrole, le gaz et l'énergie durable, mais aussi dans des secteurs comme la chimie, l'agroalimentaire et la sous-traitance automobile.
Ces structures étroites se sont développées au fil des annés et ont créé une confiance mutuelle dans les réalisations du partenaire. Dans les affaires, les structures sont similaires et aujourd'hui, on s'entend même en matière de foot !
En savoir plus :
- Krupp, plus de 200 ans d’histoire de l'industrie allemande
- L'histoire des bonbons Haribo : une entreprise familiale allemande
- PME allemande ou grand groupe : où faire carrière en Allemagne ?
Olivier Geslin