"J'adore jongler avec différentes cultures dans mon travail quotidien" Kathia, Head of Category Manager en Allemagne
"Parcours franco-allemands" est une rubrique pour découvrir les visages et les impressions des Français, francophones, Allemands et germanophones qui ont choisi de poser leurs valises en France ou en Allemagne, temporairement ou pour toujours ! C'est aussi l'occasion de découvrir des villes et leurs régions sous un œil différent. Cette semaine, c'est avec Kathia, qu'Olivier s'est entretenu.
Qui es-tu en une phrase ?
Je m'appelle Kathia, j'ai 49 ans. Je suis actuellement Head of Category Manager dans le prêt-à-porter féminin. Je travaille depuis 19 ans dans le Bade-Wurtemberg dans une entreprise internationale.
J'adore jongler avec différentes cultures dans mon travail quotidien. Travailler dans un environnement multiculturel développe le respect et l'expression des idées de chacun, apporte des points de vue différents dû notamment aux différentes cultures.
2. Le parcours en tant que candidat en Allemagne
3. Le déroulement de la vie professionnelle en Allemagne
4. L'intégration en tant que Français en Allemagne
5. L'avenir : rester sur place ou retourner en France ?
Comment as-tu appris à parler allemand ?
J'ai appris l'allemand à l'école primaire, et j'ai gardé cette langue jusqu'à la fin de mes études. Adolescente, j'ai participé à plusieurs camps d'été franco-allemands.
Qu'est-ce qui t'a attiré en Allemagne ?
J'ai atterri un peu par hasard en Allemagne. En effet, je souhaitais absolument, dans le cadre de mon projet professionnel, travailler dans une Centrale d'Achat pour une marque de prêt-à-porter.
À l'époque, n'étant pas mobile, j'ai postulé chez Orsay GmbH et mon niveau était relativement scolaire. J'ai été embauché pour le marché DACH (Deutschland, Österreich, Schweiz), mon équipe était allemande et la langue officielle était l'allemand. Cela m'a permis de progresser.
Quels conseils donnerais-tu à un(e) Français(e) pour prendre la bonne décision avant de partir ?
Je travaille actuellement en Allemagne mais sous le régime de frontalier (- de 25 km de part et d'autre du Rhin), c'est-à-dire que si je respecte les 45 jours de travail hors de ce périmètre, je suis soumise au régime français pour ce qui est de la sécurité social, les impôts et le chômage. C'est un peu différent du régime d'expatrié, mais je conseille pour ce type de contrat de voir avec Infobest à Kehl.
Comment as-tu trouvé un stage / emploi en Allemagne ?
J'ai trouvé mon emploi en répondant à une annonce dans le Journal Du Textile.
Quels conseils donnerais-tu à un(e) candidat(e) cherchant un stage ou un emploi depuis la France ?
LinkedIn (plus international), Xing (specialiste Allemagne), StepStone ou Smart.
Avec LinkedIn on peut se mettre en relation avec les chasseurs de tête spécialisés par domaine d'activité et par pays. Ce qui est aussi très apprécié, sont les recommandations de collègues, supérieurs hierarchiques ou collaborateurs dans ton profil, ainsi que l'évaluation de tes compétences.
As-tu remarqué des particularités pour réaliser un CV en allemand ?
Le CV allemand est beaucoup plus long et plus complet, 3 à 4 pages. Il faut l'adapter à chaque offre avec des phrases d'accroche qui mettent en valeur les compétences et le profil du candidat.
Il est impératif, si on postule en Allemagne, d'avoir un Zeugnis ou Zwischenzeugnis (fiche de poste avec recommandations) de l'entreprise.
As-tu remarqué des différences dans le processus de recrutement ?
En général, la première prise de contact se fait avec un chasseur de tête ou un représentant RH, soit par téléphone soit en visio. C'est assez bref : 30 minutes pendant lesquelles on explique son CV et son projet professionnel.
Il peut s'en suivre un entretien beaucoup plus complet et ceci par visio (2 heures) ou en physique dans la langue allemande voire anglaise pour vérifier le niveau, pendant lequel on développe beaucoup plus ses expériences et son cursus avec des exemples concrets de mise en situation.
Celui-ci se passe généralement avec un ton futur supérieur hierarchique et un représentant RH pour évaluer les compétences professionnelles. S'en suit une analyse de la personnalité : où vois-tu tes forces et tes points à améliorer ? Comment te voient tes collègues et collaborateurs ? Que pense ta hierarchie de ce que tu fais très bien et ce que tu fais moins bien. Ensuite tu développes ton projet professionnel et pourquoi, tu veux changer de poste et intégrer la nouvelle entreprise. Pour finir, tu expliques pourquoi tu corresponds au poste rechercher en mettant en avant tes points forts et ce que tu pourais apporter à ton futur employeur.
On peut te proposer un test insight pour déterminer ta personalité lors de ce deuxième entretien. Si tu es retenu, ce qui se fait aussi beaucoup en Allemagne et qui est vraiment génial, c'est un ou deux jours de Schnuppertag, immersion dans ton futur service avec tes futurs collègues, où tu peux te faire une idée plus précise du poste, de la culture d'entreprise et de ton environnement de travail.
Suite à cela, tu donnes un feedback et tu recois un retour de la RH et ton futur supérieur hierarchique (informations récoltées auprès de tes futurs collègues et collaborateurs). C'est à la suite de ce dernier entretien qu'une proposition te sera faite, si tu corresponds au poste.
As-tu remarqué des particularités dans le contrat de travail en Allemagne ?
Dans les contrats de travail allemands, l'impôt est prélevé à la source comme en France sauf pour les frontaliers.
La période d'essai est souvent renouvelable et plus longue qu'en France, comme le préavis lors d'une démission (en fonction de l'ancienneté et prise en compte en fin du mois en cours).
Il faut aussi choisir entre le régime privé ou général pour la protection sociale. Si on travaille hors de la zone frontalière et qu'on "pendelt" le week-end pour retrouver sa famille en France, nos impôts à la source ne considère pas tout le foyer fiscale mais seulement celui du travailleur en Allemagne.
Dans quels secteurs possèdes-tu de l'expérience ?
Toute mon expérience est dans le textile. J'ai commencé comme Chef de produit T-Shirt, puis Coordinatrice de collection Région DACH, et actuellement je travaille en tant que Head of Category Manager.
Quel est ton métier actuel et quelles sont les compétences clefs pour exercer ton métier en Allemagne ?
Je suis actuellement Head of Category Manager. Les compétences-clés pour ce poste sont :
- le leadership avec une faculté à driver des profils hétéroclites
- une vision stratégique de l'évolution du Business Omnicanal
- être un teamplayer avec une grande habilité à travailler en transversal
- avoir de bonnes capacités de planification et de coordination basées sur des compétences analytiques et créatives
- être flexible et agile avec une grande ouverture d'esprit, on navigue dans un business volatile surtout suite au Covid (problème de sourcing)
Il faut se montrer résilient et créatif face aux différentes situations inédites.
Est-il nécessaire de posséder une formation particulière en Allemagne ou est-ce que tes diplômes français ont suffi ?
Mes diplômes français ont été suffisants. Ils connaissent les Business School (Handelshochschulen).
Peux-tu nous décrire une journée type au travail ?
Le lundi est un jour consacré à l'analyse des performances de la semaine précèdente et la prise de décision du "in season management" avec mon équipe. Le soir, on fait une revue avec tous les services opérationnels autour de la table pour prendre les décisions pour les deux semaines à venir.
Mardi, Mercredi, Jeudi sont des jours soit de préparation stratégique et validation , Sourcing-Budget ou validation de collection (rythme mensuel), ou alors on part en concurrence ou en rend visite à des fournisseurs durant ces 3 jours.
Vendredi est consacré aux projets transversaux et meeting avec l'équipe de Category Manager pour préparer la semaine suivante, partager des informations et faire un feedback de la semaine passée.
Chaque matin on se retrouve à la machine à café pour se raconter nos vies et on essaie le plus souvent possible de déjeuner ensemble.
Qu'est-ce qui est passionnant dans ton job et quels sont les défis que tu rencontres ?
Ce qui est passionnant c'est que chaque saison est une nouvelle aventure. Ce qui me plait c'est de travailler avec des profils hétéroclites, des créatifs et des analytiques, et les mettre d'accord est parfois un vrai défi.
J'adore la négociation avec des cultures aussi différentes que le bassin méditerranéen, la Chine, l'Inde ou le Bangladesh, cela demande de s'adapter mais c'est passionnant.
Les plus grands défis de ces 2 dernières années sont les problématiques liées au covid : production stoppée, containers bloqués, augmentation du prix des matières premières, gestion d'une collection en remote sans pouvoir toucher les produits. Gestion du personnel (maladie), Management à distance que j'ai dû apprendre sur le tas.
As-tu évolué par rapport à ton métier d'origine ?
Je suis passée de Chef de Produit à Coordinatrice, et je suis actuellement Head of Category Manager.
L'accent français aide-t-il à briser la glace ?
On trouve l'accent français charmant et la culture française est très appréciée en Allemagne. D'ailleurs, nous parlons tous un langage bien à nous dans notre daily business, notre glossaire officiel mix des mots français, allemand et anglais.
Quels conseils donnerais-tu aux candidat(e)s qui nous lisent pour réussir dans leur prise de poste et leur job en Allemagne ?
Lors de la prise de poste, il est toujours bienvenue de rapporter des petites gourmandises françaises, les Allemands raffolent de la gastronomie française.
D'autre part, ce qui est important lorsqu'on se présente c'est d'être clair, succinct en mettant une touche personnelle qui vous caractérise bien. Les Allemands aiment les discours vrais et droits. Ils n'aiment pas tourner autour du pot. Ils sont beaucoup plus dans la transversalité, les structures matricielles et les responsabilités partagées, le consensus est clé dans leur manière d'aborder un problème, au contraire de la France où les décisions sont plus top & down.
Les rapports sont parfois plus rudes dans une discussion (on ne prend pas de pincettes), mais beaucoup plus francs ce qui permet d'avancer plus vite.
Complète cette phrase : le plus dur en Allemagne c'est ...
... parfois la place de la femme pour des postes à responsabilités quand elle a des enfants. Il est parfois mal vu de laisser son bébé de 2 mois en garde et de revenir travailler.
Complète cette phrase : le plus génial en Allemagne c'est ...
... la rigueur et les relations franches et directes dans le travail ainsi qu'une approche consensuelle pour aborder un problème.
Ton expression allemande préférée ?
Ich habe ein Rendez-Vous, c'est un joke dans notre entreprise allemande à forte influence française !
Qu'est-ce qui te plaît le plus dans ta vie ici ?
À Noël, j'adore faire des concurrences à Cologne pour voir le Weihnachtsmarkt.
Ce qui t'étonnera toujours ou qui te surprend le plus?
De mélanger du bon vin avec de l'eau pétillante.
L'importance de la langue pour vivre en Allemagne : la maîtrise de la langue allemande est-elle importante pour s'intégrer ? Quels conseils donnerais-tu pour apprendre l'allemand ou rafraîchir la langue ?
Personnellement, je me suis forcée à passer le plus de temps possible avec mes collègues germanophones et surtout d'oser parler en faisant des fautes. Je leur ai demandé de me corriger. J'ai beaucoup utilisé Deepl pour me corriger à l'écrit.
La langue est importante pour s'intégrer mais les gens sont très indulgents. L'allemand est une langue que l'on parle plutôt lentement, très différent de l'anglais qui est plus rapide et où on avale des mots.
Es-tu restée malgré tout "française" dans l'âme ?
Oui, et je pense que c'est l'ouverture d'esprit en gardant ses racines qui fait la richesse des relations humaines.