Villeroy & Boch allie tradition franco-allemande et avenir européen
Le leader de la céramique, Villeroy & Boch, fondé en 1748 à la frontière de la France et de l'Allemagne, est un exemple de réussite franco-allemande. Fort de son héritage européen, le groupe se tourne désormais vers l'Asie. Nous vous présentons brièvement l'histoire de Villeroy & Boch et vous disons pourquoi cette entreprise est perçue comme symbole des relations franco-allemandes voire européen.
2. Symbole des relations franco-allemandes
3. Faire du beau à bon marché
4. De nouveaux marchés pour assurer l'avenir
L'histoire de Villeroy & Boch n'est pas un long fleuve tranquille. Peu d'entreprises ont vécu d'aussi près les aléas de l'histoire franco-allemande, et rares sont celles qui ont gagné si tôt une dimension européenne.
Lorsqu'en 1748 François Boch crée son premier atelier de poterie en Lorraine, à l'époque une région ni française ni allemande, mais une province autonome gouvernée par l'ancien roi polonais Stanislas Ier.
Quand la Lorraine est rattachée à la France en 1766, une nouvelle fabrique voit le jour au Luxembourg, alors province néerlandaise du royaume d'Autriche.
En 1809, le petit-fils Boch, Jean-François, rachète l'abbaye de Mettlach dans la Sarre, à l'époque française, et propulse l'atelier artisanal au rang de fabrique industrielle.
Le site, aujourd'hui siège de l'entreprise, développe rapidement des techniques de production révolutionnaires pour l'époque. Face à la concurrence anglaise, Jean-François Boch, scientifique trouve-tout, s'allie à son concurrent Nicolas Villeroy, un négociant lorrain. En 1836, Villeroy & Boch voit officiellement le jour, dans une Sarre désormais allemande.
Après un siècle de développement, Villeroy & Boch exporte ses produits dans toute l'Europe, en Égypte, en Russie et en Amérique du Nord. Ses célèbres carreaux de Mettlach et la céramique sanitaire lui assurent une renommée mondiale.
Villeroy & Boch a survécu à toutes les péripéties de l'histoire récente : de la Révolution française aux campagnes napoléoniennes, en passant par les deux guerres mondiales.
Luitwin Gisbert von Boch-Galhau, ancien membre d'honneur du conseil de surveillance, expliquait il y a quelques années :
"Villeroy & Boch a compris très tôt qu'elle devait s'adapter aux bouleversements politiques et saisir chaque opportunité du marché."
Après la Seconde Guerre mondiale, la société familiale, emblème régional de la Sarre, devient un symbole des relations franco-allemandes et de l'avenir européen.
En 1954, Konrad Adenauer et Pierre Mendès France veulent faire du Land un territoire au statut spécial, à vocation européenne.
En 1965, après le rejet de ce projet par référendum et l'intégration de la Sarre à la RFA, l'ancien chancelier rappelle lors d'une visite au château de Villeroy & Boch :
"C'est une tâche historique de rendre plus solides les relations unissant l'Allemagne et la France [...] et de tout faire pour que cette Europe soit construite, dure et reste forte."
En 2006, Angela Merkel y accueille à nouveau son homologue français, Jacques Chirac, pour discuter de l'avenir de l'Europe.
Villeroy & Boch est devenu formellement allemand en 1957. Cette entreprise compte toujours 12 de ses 14 sites de production en Europe, dont plusieurs en Europe de l'Est et un dans le Sud de la France, à Valence.
L'entreprise européenne écoule 75 % de sa production sur le Vieux Continent. Le site de Mettlach compte plus de 150 collaborateurs français et certaines unités de production, comme celle de salles de bains comptent 20 % de ressortissants français.
Wendelin von Boch-Galhau, ancien président du directoire de Villeroy & Boch AG, explique :
"Villeroy et Boch est dans son coeur une entreprise européenne, qui au gré de son histoire est aujourd'hui une société de droit allemand sur le sol allemand. [...] Nous sommes fiers d'être à ce jour encore étroitement liés à la France."
Le mérite de Villeroy & Boch réside également dans la capacité d'adaptation de sa structure familiale, à l'heure de la mondialisation.
Après son entrée en bourse en 1998, l'entreprise s'internationalise et le conseil de famille cède sa place à une structure bicéphale, formée d'un comité directeur et d'un conseil de surveillance. Au sein de ce dernier, un nombre défini de sièges est attribué aux membres de la famille, et de nouvelles personnalités ont fait leur entrée.
Selon Luitwin Gisbert von Boch, cette ouverture a permis d'apaiser les tensions qui ont pu exister entre les héritiers :
"Il a été décisif de faire converger les intérêts des héritiers et de l'entreprise. L'échange et notre souci de transparence nous ont permis de dépasser les intérêts particuliers."
La tradition veut également que les membres de la famille cèdent tôt leurs parts à leurs héritiers. La dilution des parts limite ainsi les blocages, tandis qu'une option d'achat prioritaire aux héritiers assure la continuité familiale de l'entreprise.
La réussite de l'entreprise et sa volonté de faire du beau à bon marché doit également beaucoup à une politique d'innovation constante. L'utilisation de la force hydraulique, l'invention et la généralisation de machines et de moules en acier, l'impression industrielle de motifs, quand le secteur fonctionnait encore exclusivement sur des techniques artisanales, ont permis à l'entreprise de faire face à la concurrence, notamment anglaise.
L'entreprise familiale a également été précurseur sur le plan social : dès 1793, Pierre Joseph Boch et ses frères ont participé à la construction d'un orphelinat avant de fonder la Confrérie Saint-Antoine en 1812.
Afin de récompenser ses employés qui avaient volontairement participé à la reconstruction de l'atelier du Luxembourg, détruit pendant la Révolution française, les frères Boch mettent en place un système d'assurance sociale inédit pour l'époque, 70 ans avant les premières mesures sociales de Bismarck.
Reste que les mesures prises par la suite par les dirigeants de Villeroy & Boch ont parfois été douloureuses. L'effort continu d'innovation doit aussi permettre des gains de productivité. Ceux-ci conduisent à des plans de restructuration, qui s'accélèrent avec la compression de la demande dans les années 1990.
Selon le directoire, la technologie a dû être développée à de nombreux niveaux, ce qui a automatiquement conduit à une augmentation de la productivité, sans laquelle cette entreprise ne serait plus compétitive aujourd'hui.
Avec un effectif de 13 000 personnes en 1992, le groupe ne compte aujourd'hui plus que 7 000 employés. Des décisions prises à "contrecoeur" par les dirigeants, qui ont parfois suscité la colère des syndicats.
Après plusieurs années difficiles, les comptes du groupe sont désormais repassés dans le vert. Aujourd'hui, Villeroy & Boch ne peut plus toutefois compter sur le seul marché européen, qui souffre de son secteur de la construction.
Son défi de défendre ses positions en Europe et en Asie-Pacifique n'effraie pas la petite entreprise artisanale passée au rang de leader européen de la céramique.
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