Pourquoi les Allemands préfèrent s'expatrier en Suisse
Les Allemands aiment la Suisse, mais est-ce que la réciproque est toujours vraie ? Sur les vingt dernières années, les ressortissants allemands représentent la première communauté dans la Confédération helvétique. Le résultat : cette immigration massive a créé des tensions.
2. Faits divers, sentiment de rejet et germanophobie
3. Concurrence accrue
4. Tensions politiques
5. Qualité de vie en Suisse : exemple de Zurich
En comptant les personnes ayant la double-nationalité, il y aurait aujourd'hui près de 450 000 Allemands en Suisse, pour une population d'environ 8,74 millions d'habitants, ce qui représente environ 5 % de la population.
L'accord bilatéral signé en 2002 par la Confédération helvétique et l'Union européenne facilitant les mouvements des ressortissants européens dans la Suisse a offert un cadre favorable à cette immigration. Le partage de la langue, la qualité de la vie, les salaires élevés et les perspectives d'emploi et de promotion fleurissantes ont fait le reste.
Matthias Estermann, président de l'association des Allemands de Suisse (Verein für Deutsche in der Schweiz) confirme :
"La plupart de nos adhérents sont venus ici avec un travail en poche. La composante salaire existe effectivement, notamment chez les médecins, mal payés en Allemagne, ou pour les chefs d'entreprise qui bénéficient ici d'une fiscalité plus clémente."
Le lien entre l'Allemagne et la Suisse est également empreint d'histoire, le petit voisin ayant été une terre régulière d'accueil durant les années de guerre ou d'avant-guerre. Ainsi, avant la Première Guerre mondiale, la communauté allemande représentait près de 10 % de la population helvétique.
Pourtant aujourd'hui, après deux décennies de forte immigration allemande, la tendance serait en train de s'inverser. Le renouveau sur le marché du travail allemand a inversé la dynamique. Pour certains, la montée d'une forme de germanophobie n'est également pas étrangère au retour au pays de nombreux Allemands.
Ces dernières années, la presse alémanique s'est emparée du sujet et a rapporté de nombreux témoignages : insultes, dégradations de véhicules et de bâtiments, menaces... D'après Suisse Tourisme, il y a effectivement des plaintes de touristes allemands, mais on ne peut pas conclure à un quelconque phénomène de germanophobie.
Pour Jonas, quadragénaire allemand, diplômé en économie, qui fait la navette entre Zurich et Berlin, le sentiment de rejet est palpable au quotidien :
"Il y a parfois une forme d'agressivité quand les gens remarquent le dialecte allemand, alors dans la rue on se force à parler suisse-allemand voire anglais."
Nos conseils en vidéo pour connaître les niveaux de salaire en Suisse
Parmi les griefs adressés aux Allemands, on parle de leur supposé communautarisme ou de l'opportunisme qui motiverait leur venue : profiter des hauts salaires et des possibilités de carrière avant de rentrer au bercail. Un porte-parole d'une mairie suisse-allemande explique :
"Par opposition à l'immigration venue du sud de l'Espagne ou des Balkans, l'immigration allemande de ces dernières décennies est très formée et occupe des postes à responsabilité. Les Allemands sont alors vus comme des concurrents par une partie de la société civile."
Certains les tiennent alors responsables de la hausse des loyers en Suisse, notamment dans les centres-villes, les accusent de favoriser l'embauche de leurs compatriotes ou dénoncent une sur-représentation dans les postes à responsabilité.
En janvier 2013, une polémique a ainsi éclaté après le départ à la retraite du dernier professeur suisse de l'Institut des médias de Zurich, Heinz Bonfadelli, les autres chaires étant occupées par quatre Allemands et un Autrichien. Lors de la présélection des candidats à sa succession, aucun Suisse n'a été retenu.
Anna Schindler, directrice du service du développement urbain de la ville de Zurich, qui gère notamment les questions d'intégration, rétorque :
"Ce phénomène n'était pas représentatif de la réalité du terrain. C'était un sujet monté en épingle par les médias surfant sur la vague de discours politiques marginaux."
Pour ne rien arranger, les relations diplomatiques entre les deux pays ont été pour le moins orageuses. Les tentatives avortées pour parvenir à un accord fiscal entre les deux pays, la pratique de rachat de listes d'exilés fiscaux allemands par certains Länder et la remise en cause du secret bancaire ont fait renaître les craintes de voir la Suisse perdre son indépendance sous la pression du voisin allemand.
La décision unilatérale de l'Allemagne d'interdire le survol de nuit du territoire allemand à proximité de l'aéroport de Zurich a également montré le visage d'une Allemagne autoritaire et arrogante.
D'après Statista, Zurich est la 7ème ville la plus agréable à vivre au monde, suivie par Genève. Place financière et métropole multiculturelle, à la fois historique et moderne, la ville est plébiscitée par les étrangers qui viennent s'y installer en masse.
Ici, 27 % des habitants sont étrangers et 60 % ont au moins un parent étranger. C'est une ville très agréable à vivre, à la fois calme et active. D'un côté le lac, les Alpes, la nature et de l'autre, une vie culturelle et nocturne très riche.
C'est à Zurich, dans le Cabaret Voltaire qu'est née en 1916 l'école dadaïste, sous l'impulsion d'artistes allemands comme Hugo Ball. Le Schauspielhaus Zürich, théâtre renommé de la ville, doit également sa notoriété à l'afflux massif dès 1933 de metteurs en scène et acteurs allemands, comme Albert Basserman, et plus tard Bertolt Brecht.
Autre incontournable, le café Odéon, qui a compté comme habitués Karl Marx, Lénine ou Stephan Zweig. Outre la vieille ville, ses ruelles étroites, ses maisons médiévales et ses troquets, la vie nocturne zurichoise est également réputée. On retiendra notamment les nombreuses piscines au bord du lac, qui la nuit tombée, se transforment en discothèques ou l'ancienne zone industrielle à l'ouest de la ville, transformée en fief nocturne, avec notamment la Rote Fabrik, place forte de la scène alternative zurichoise.
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